Un groupe de scientifiques et dirigeants sonne l'alerte : nous n'aurions plus que jusqu'en 2020 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre si l'on veut espérer atteindre les objectifs de l'accord de Paris.
Jean-Paul Fritz Jean-Paul FritzPublié le 28 juin 2017 à 19h24
Quelles que soient les bonnes intentions affichées par la quasi totalité de la planète lors de la COP21, l'accord de Paris sur le climat semble avoir du plomb dans l'aile, et pas seulement à cause du retrait des Etats-Unis décidé par le président Trump. Espérer contenir l'augmentation globale des températures à 1,5° par rapport à la moyenne de l'ère pré-industrielle est déjà un objectif difficile. L'accord de Paris vise pourtant cet objectif, et a minima voudrait maintenir cette hausse "nettement en dessous de 2°".
Certains ne croient pas que cela soit faisable, sauf à prendre des mesures drastiques, et pensent que la cible des 2° serait de la science-fiction si l'on se contentait de ce qui est suggéré par l'accord de Paris, et qu'il faudrait se préparer à un monde difficile approchant les +3° à la fin du siècle.
Aujourd'hui, c'est un groupe de décideurs et de scientifiques, emmenés par Christiana Figueres, vice-présidente de la Convention mondiale des maires pour le climat et l'énergie, qui alerte la communauté internationale dans un article publié par "Nature".
Les auteurs ont été rejoints par de nombreux signataires du monde politique, universitaire, mais aussi économique. Ils affirment que nous n'avons plus que trois ans pour infléchir nos émissions de gaz à effet de serre. Si ces émissions continuaient à augmenter, ou même restaient stables en 2020, il serait alors impossible d'atteindre les objectifs de la COP21. Pourtant, les auteurs de cet appel pensent qu'il est encore possible d'y parvenir... à condition de faire chuter nos émissions d'ici 2020.
Six mesures à prendre d'urgence
Pour réussir, six grands objectifs ont été définis :
1- Faire monter le pourcentage d'énergies renouvelables à au moins 30% de la production d'électricité mondiale, ne plus autoriser de centrales à charbon après 2020 et fermer celles qui existent encore.
2- Décarboner les immeubles et les infrastructures dans les villes et les états d'ici 2050. Cela signifie entre autres que les villes fassent passer au moins 3% de leurs bâtiments par an à un mode proche de zéro émissions.
3- Porter à au moins 15% la part des véhicules électriques dans les ventes de véhicules neufs, doubler l'utilisation des transports en commun dans les villes, passer à 20% le rendement du carburant des poids lourds et diminuer de 20% les émissions de gaz par kilomètre parcouru pour les avions.
4- Réduire la destruction des forêts et s'engager dans la reforestation. Les émissions actuelles provenant de la déforestation et du changement d'usage des terres ainsi déboisées représentent 12% des émissions annuelles globales. Les réduire à zéro et replanter des arbres, cela veut dire non seulement arrêter les émissions, mais aussi créer des "puits à carbone" (les forêts) pour absorber une partie du gaz carbonique de l'atmosphère. Des pratiques d'agriculture durables sont également recommandées.
5- Accroître l'efficacité énergétique et diviser par deux les émissions de l'industrie avant 2050. Les industries lourdes (aciéries, cimenteries, usines chimiques, pétrole, gaz...) représenteraient en effet plus du cinquième des émissions mondiales de gaz carbonique.
6- Le monde de la finance doit lui aussi faire des efforts. Il doit pouvoir mobiliser mille milliards par an pour les actions en faveur du climat. Les gouvernements et les banques doivent émettre davantage de "green bonds" (les obligations vertes).
"Impossible n'est pas un fait, c'est une attitude"
"Utiliser la science pour guider les décisions et définir les objectifs," c'est un principe qui hérissera probablement Donald Trump, mais c'est la méthode indispensable pour réussir à combattre le changement climatique. "Les politiques et les actions doivent être basées sur des faits solides," assurent les auteurs. On est loin des "faits alternatifs"...
Ils citent d'ailleurs en exemple la campagne de communication d'Emmanuel Macron, "Make our planet great again" : "Il a parlé au grand public pour soutenir les scientifiques et invité des chercheurs à venir en France pour aider à accélérer les actions en faveur des accords de Paris." Un exemple qui serait à suivre le plus largement possible pour informer la société en général, mais aussi le monde économique des enjeux du changement climatique.
Quelles que soient les bonnes intentions affichées par la quasi totalité de la planète lors de la COP21, l'accord de Paris sur le climat semble avoir du plomb dans l'aile, et pas seulement à cause du retrait des Etats-Unis décidé par le président Trump. Espérer contenir l'augmentation globale des températures à 1,5° par rapport à la moyenne de l'ère pré-industrielle est déjà un objectif difficile. L'accord de Paris vise pourtant cet objectif, et a minima voudrait maintenir cette hausse "nettement en dessous de 2°".
Certains ne croient pas que cela soit faisable, sauf à prendre des mesures drastiques, et pensent que la cible des 2° serait de la science-fiction si l'on se contentait de ce qui est suggéré par l'accord de Paris, et qu'il faudrait se préparer à un monde difficile approchant les +3° à la fin du siècle.
Aujourd'hui, c'est un groupe de décideurs et de scientifiques, emmenés par Christiana Figueres, vice-présidente de la Convention mondiale des maires pour le climat et l'énergie, qui alerte la communauté internationale dans un article publié par "Nature".
Les auteurs ont été rejoints par de nombreux signataires du monde politique, universitaire, mais aussi économique. Ils affirment que nous n'avons plus que trois ans pour infléchir nos émissions de gaz à effet de serre. Si ces émissions continuaient à augmenter, ou même restaient stables en 2020, il serait alors impossible d'atteindre les objectifs de la COP21. Pourtant, les auteurs de cet appel pensent qu'il est encore possible d'y parvenir... à condition de faire chuter nos émissions d'ici 2020.
Six mesures à prendre d'urgence
Pour réussir, six grands objectifs ont été définis :
1- Faire monter le pourcentage d'énergies renouvelables à au moins 30% de la production d'électricité mondiale, ne plus autoriser de centrales à charbon après 2020 et fermer celles qui existent encore.
2- Décarboner les immeubles et les infrastructures dans les villes et les états d'ici 2050. Cela signifie entre autres que les villes fassent passer au moins 3% de leurs bâtiments par an à un mode proche de zéro émissions.
3- Porter à au moins 15% la part des véhicules électriques dans les ventes de véhicules neufs, doubler l'utilisation des transports en commun dans les villes, passer à 20% le rendement du carburant des poids lourds et diminuer de 20% les émissions de gaz par kilomètre parcouru pour les avions.
4- Réduire la destruction des forêts et s'engager dans la reforestation. Les émissions actuelles provenant de la déforestation et du changement d'usage des terres ainsi déboisées représentent 12% des émissions annuelles globales. Les réduire à zéro et replanter des arbres, cela veut dire non seulement arrêter les émissions, mais aussi créer des "puits à carbone" (les forêts) pour absorber une partie du gaz carbonique de l'atmosphère. Des pratiques d'agriculture durables sont également recommandées.
5- Accroître l'efficacité énergétique et diviser par deux les émissions de l'industrie avant 2050. Les industries lourdes (aciéries, cimenteries, usines chimiques, pétrole, gaz...) représenteraient en effet plus du cinquième des émissions mondiales de gaz carbonique.
6- Le monde de la finance doit lui aussi faire des efforts. Il doit pouvoir mobiliser mille milliards par an pour les actions en faveur du climat. Les gouvernements et les banques doivent émettre davantage de "green bonds" (les obligations vertes).
"Impossible n'est pas un fait, c'est une attitude"
"Utiliser la science pour guider les décisions et définir les objectifs," c'est un principe qui hérissera probablement Donald Trump, mais c'est la méthode indispensable pour réussir à combattre le changement climatique. "Les politiques et les actions doivent être basées sur des faits solides," assurent les auteurs. On est loin des "faits alternatifs"...
Ils citent d'ailleurs en exemple la campagne de communication d'Emmanuel Macron, "Make our planet great again" : "Il a parlé au grand public pour soutenir les scientifiques et invité des chercheurs à venir en France pour aider à accélérer les actions en faveur des accords de Paris." Un exemple qui serait à suivre le plus largement possible pour informer la société en général, mais aussi le monde économique des enjeux du changement climatique.
Macron répond à Trump sur le climat : "Make our planet great again"
Les auteurs et signataires souhaitent également que les solutions existantes soient démultipliées. "Tous les pays devraient adopter des plans pour arriver à 100% de production d'énergies renouvelables", affirment-ils.
Enfin, ce groupe de scientifiques et de décideurs veut "encourager l'optimisme," car pour eux "impossible n'est pas un fait, c'est une attitude". En partageant les solutions qui marchent, on devrait pouvoir les répandre et arriver à des résultats tout en se dotant d'objectifs ambitieux.
A la veille du G20, qui se tient à Hambourg les 7 et 8 juillet, les signataires ont également lancé une "campagne collaborative" pour faire baisser les émissions
La bonne nouvelle : les émissions stagnent
Les signataires de l'appel notent tout de même un point positif : "les émissions de gaz à effet de serre se sont déjà séparées de la production et de la consommation", assurent-ils. Lors des trois dernières années, la production des gaz issus des combustibles fossiles a stagné, ce qui ne s'était produit que trois fois auparavant : au début des années 80, en 1992 et en 2009. Les trois fois, c'était lié à des difficultés économiques. Mais pour la stagnation actuelle, au contraire, "le PIB des principales nations développées et en voie de développement a augmenté d'au moins 3,1% par an". Il est donc possible de réduire les gaz à effet de serre sans pénaliser l'économie...
Mieux encore, c'est l'économie elle-même qui peut être l'un des moteurs de ce changement. "Nous sommes à un point où nous sommes propulsés en avant par l'attraction du marché et non par la poussée de l'idéologie," affirme Christiana Figueres. "Nous avons enfin réalisé que ce n'est pas une situation où, soit l'on fait croître l'économie, soit on protège l'environnement. Nous pouvons créer des emplois, recréer des communautés qui ont perdu des emplois (...), et en faisant cela, résoudre le problème du changement climatique."
"Il n'y a pas d'emplois sur une planète morte," déclare Sharan Burrow, secrétaire générale de la confédération syndicale internationale. Pour elle, la lutte contre le changement climatique "créera des emplois, et créera l'espoir."
1,5° ou 2°, quelle différence ?
On pourrait croire qu'atteindre des niveaux supérieurs à ceux prévus par l'accord de Paris n'est pas si grave que ça, après tout, "nettement en dessous de 2°", c'est assez vague et dans une logique purement "économique" on pourrait se contenter d'un succès modéré. Pourtant, une telle analyse serait loin de la réalité.
L'an dernier, une étude européenne publiée dans le "Journal of Earth System Dynamics" illustrait la différence que représenterait ce petit 0,5 degré. Par exemple, on assisterait à davantage de canicules mortelles, l'influence sur les récoltes seraient bien plus importante, les régions du monde où l'accès à l'eau potable est difficile deviendraient beaucoup plus nombreuses, et cela pourrait représenter la différence entre la vie et la mort pour de nombreux récifs coralliens.
"La différence entre 1,5 et 2°C marque la transition entre la limite haute de la variabilité d'aujourd'hui et un nouveau régime climatique en matière d'extrêmes de chaleur de manière globale," expliquent les auteurs de cette dernière étude. Ce qui veut dire que les canicules d'aujourd'hui pourraient sembler fraîches en comparaison de ce qui nous attendrait.
Rappelons que nous sommes déjà autour des 1° d'augmentation par rapport au 19e siècle, et qu'on en voit déjà les effets.
Pourquoi 3 ans seulement ?
Pour en arriver à ce chiffre en apparence arbitraire, les signataires de l'article de "Nature" ont effectué des calculs de "budget carbone", évaluant combien d'émissions supplémentaires correspondraient à une augmentation de température donnée. Pour rester au-dessous des 1,5°, ces émissions seraient de 150 gigatonnes et pour se maintenir sous les 2°, dans les 1.500 gigatonnes. Au rythme actuel de 41 gigatonnes par an, on dépasserait la première limite avant 4 ans. Pire, en seulement 15 ans on serait presque à la moitié des quantités nécessaires pour atteindre les fameux 2°. Dans les deux cas, l'accord de Paris est dans le rouge.
C'est pourquoi tous ceux qui soutiennent cet avertissement estiment non seulement que le changement est possible, mais qu'il est souhaitable.
"Nous avons deux voies devant nous" explique Christiana Figueres. "La première, c'est une attaque sur les droits de l'homme, l'accroissement des inégalités et de la pauvreté. L'autre voie mène à des créations d'emplois, à la stabilité, à l'amélioration de la qualité de vie. Nous n'avons pas le choix, nous devons nous occuper du changement climatique, avec tous les bénéfices que cela représente. Il n'est ni logique ni moral de comparer ces deux voies. "
Source> le nouvel obs