Pourquoi l'indépendance de la Catalogne fait trembler l'Espagne


Les élections régionales qui se déroulent ce dimanche en Catalogne pourraient être synonymes de l'indépendance. Un scénario catastrophe pour l'Espagne... Qui pourrait aussi avoir des conséquences sur la région, si celle-ci ne pouvait pas adhérer à l'Union européenne.

"Des élections régionales historiques", voilà comment s'annoncent le scrutin de ce dimanche pour le quotidien El Pais. Au-delà du renouvellement de leur Parlement, c'est aussi l'avenir de leur région au sein de l'Espagne que les Catalans ont entre leurs mains. En début d'après-midi, ils étaient déjà plus de 35% à avoir glissé leur bulletin dans l'urne, une participation supérieure à celle, déjà exceptionnelle, observée lors des précédentes élections.


En cas de majorité absolue au parlement régional -68 sièges sur 135- le président sortant Artur Mas promet de mener l'indépendance de la Catalogne en moins de deux ans. Face à la possible émergence d'un nouvel Etat européen, les spécialistes s'opposent. Passage en revue des conséquences, probables, de d'une improbable scission catalane.

L'Espagne reléguée au 14ème rang européen?


La Catalogne "n'est pas l'Ecosse", rappelle l'historien Carlos Andres Gil. "On ne parle pas d'un territoire secondaire pour le pays, mais de la région la plus industrialisée. Et Barcelone a toujours été une capitale bien plus cosmopolite que Madrid". A elle seule, la région catalane produit près de 20% de la richesse de l'Espagne. Comme le rappelle L'Obs, elle repose sur une économie diversifiée, avec des industries automobiles ou pharmaceutiques fortes, des banques puissantes et un un secteur du tourisme particulièrement dynamique. Près d'un touriste sur quatre de passage en Espagne se rend ainsi en Catalogne, rappelle France 2.En cas de scission, le reste de l'Espagne serait relégué du 5ème rang européen, au 14ème, d'après les chiffres données au journal télévisé de France 2. Sans compter que le pays aurait probablement à rembourser l'intégralité de la dette espagnole, qui s'élève, au deuxième trimestre 2015, à près de 97,7% du PIB, comme l'indique Euronews. Il y a fort à parier en effet que la Catalogne refuse de prendre en charge la partie de la dette qui lui incombe en cas de séparation. Un scénario catastrophique pour l'Espagne.


Fuite des banques, avenir des retraites incertain
Si cette éventuelle indépendance fait faire des cauchemars au reste de l'Espagne, il n'est pas sûr qu'elle soit indolore pour la région catalane elle-même. Les banques ont d'ores et déjà annoncé qu'en cas de séparation, elles pourraient "revoir leur stratégie d'implantation" en Catalogne, rappelle Euronews. Conséquences: un accès limité au crédit pour les entreprises comme pour les particuliers qui pourrait pénaliser l'économie du tout jeune Etat.Le site d'information s'interroge également sur l'avenir des retraites dans le nouveau pays catalan. Euronews rapporte ainsi les propos de l'association Societat Civil Catalana, opposée à l'indépendance de la région, selon laquelle une sortie de l'Espagne conduirait à une baisse des retraites de 6,7% à 16,9%, du fait que la disparition des prestations de la Sécurité sociale espagnole.

Adhésion impossible à l'Union européenne?
Pour la Catalogne, une grande inconnue demeure toutefois: son maintien dans l'Union européenne. Si les partisans de l'indépendance considèrent le maintien de la région dans l'UE comme acquis, beaucoup de spécialistes se montrent plus dubitatifs. "Les leaders des partis indépendantistes européens estiment que si la procédure de sécession respecte le traité de Maastricht, le nouvel Etat intégrera l'Union le jour de son indépendance. Mais il est plus probable que le pays ait à renégocier son entrée dans l'UE", prévenait déjà en 2014 Guillaume Van der Loo, chercheur à l'Institut européen de l'université de Gand.

C'était notamment le sens de la déclaration d'un porte-parole de la Commission européenne, qui expliquait que "si une partie d'un Etat membre cessait de faire partie de cet Etat parce qu'elle devient indépendante, les traités ne s'appliqueraient pas à ce territoire (...). Il serait automatiquement hors de l'UE", comme le rapporte Le Monde. Une situation d'autant plus difficile pour la Catalogne que le gouvernement espagnol pourrait s'opposer à l'adhésion du pays, qui refuse par exemple de reconnaître l'existence du Kosovo.


Source: www.lexpress.fr

L'économie d'une Catalogne indépendante au coeur de la campagne électorale



La Catalogne s'enorgueillit d'être la plus riche des régions d'Espagne, celle qui exporte le plus et reçoit le plus de touristes. Une séparation de l'Espagne serait cependant sanglante économiquement, alertent certains, tandis que les indépendantistes assurent l'inverse.

Une Catalogne indépendante aurait, selon ses partisans, un PIB par habitant supérieur à la moyenne européenne, un excédent budgétaire de 11,5 milliards d'euros, une fiscalité plus légère et un meilleur système social.

Ces arguments semblent convaincre une grande partie des électeurs qui voteront lors des élections régionales du 27 septembre, destinées à renouveler le Parlement catalan et qui sont présentées par le chef de l'exécutif catalan Artur Mas comme un plébiscite pour ou contre l'indépendance.

Selon les derniers sondages, ils donneraient la majorité parlementaire aux partis scissionnistes, assez selon eux pour lancer le processus qui conduirait la région à quitter l'Espagne en 2017 au plus tard.

Mais la question divise les entreprises de cette région représentant 19 % du PIB espagnol.


La principale organisation patronale, Foment del Traball, a émis des réserves «devant ce débat politique remettant en question l'appartenance à l'Union européenne».

D'autres associations, en particulier celles des patrons de PME, ont en revanche publié un manifeste pour l'autodétermination de la Catalogne, rejetant les «peurs, craintes et ingérences» des milieux économiques.

L'impact sur les exportations

Jusqu'ici, la plupart des entrepreneurs restaient silencieux face aux projets indépendantistes du gouvernement régional. Mais à l'approche du scrutin du 27 septembre, des voix ont commencé à s'élever.

Ainsi, José Luis Bonet, directeur des caves Freixenet, leader mondial des vins mousseux, a affirmé à l'AFP : «Une déclaration unilatérale d'indépendance serait un désastre pour l'économie catalane».

Une sortie de la Catalogne de l'UE obligerait son entreprise, qui exporte 80 % de sa production, à payer des droits de douane. «Cela veut dire des prix plus élevés, un risque clair de perte de marchés», résume-t-il en s'inquiétant pour le sort de ses 1200 salariés.

Mais Ramir de Porrato, fondateur d'une PME technologique qui exporte la plupart de ses produits, ne croit pas à une sortie de l'UE, car «l'Espagne serait la première touchée».

Pour lui, l'indépendance «est une énorme opportunité». «Actuellement, nous avons un manque criant d'infrastructures, ce qui affaiblit les exportations. Beaucoup de vols passent par Madrid, les impôts qu'on verse partent tous ailleurs en Espagne. Et nous alors ?», se plaint-il.

Un nouvel État catalan investirait dans ces infrastructures réclamées depuis longtemps dans la région, comme les chemins de fer ou les autoroutes, assure-t-il.

«Mes produits arriveront plus vite et pour moins cher, je serai plus compétitif, je pourrai gagner plus et créer plus d'emplois».

Le désastre de la dépendance

Le dynamisme de l'économie catalane vient en grande partie de ses exportations, principalement automobiles, chimiques, agroalimentaires et de biens d'équipement.

En 2014, elles se sont élevées à 60,2 milliards d'euros (25,1 % du total espagnol). Mais elles dépendant beaucoup du marché espagnol (41,3 % de ces ventes).

L'économie catalane pourrait pâtir d'une éventuelle sécession, avertit un rapport du ministère des Affaires étrangères espagnol, chiffrant les pertes à 10 à 20 % du PIB catalan.

Et ces estimations ne tiennent pas compte des effets «sur la sortie de capitaux et l'instabilité financière», prévient le rapport.

Les craintes contrastent avec l'optimisme des indépendantistes, mus par un sentiment d'injustice fiscale et de délaissement par Madrid, aggravé par la crise, résumé par un lapidaire «L'Espagne nous vole».

Selon les comptes du gouvernement régional, la région perd chaque année 15 milliards d'euros en impôts payés à l'État qui ne lui reviennent pas en investissements et prestations sociales. D'autres études parlent de seulement 3 milliards.

La coalition d'Artur Mas, Junts pel Sí (Ensemble pour le oui), est persuadée que la Catalogne pourra rester dans l'Union européenne, a minima, de l'Espace économique européen, puisque cette sortie serait aussi néfaste pour l'Espagne et l'Europe.

«N'oublions pas que 70 % des marchandises espagnoles qui partent en Europe par voie terrestre passent par la Catalogne», a rappelé Oriol Amat, économiste et candidat de cette coalition.

Source: www.affaires.lapresse.ca

LA HONTE.

« J’aimerais vraiment que ma photo puisse aider à changer le cours des choses »


L'une des photos du petit Syrien noyé, faites par Nilufer Demir.
Nilufer Demir, 29 ans, est correspondante pour l’agence turque DHA pour la région de Bodrum. Dans cette petite ville balnéaire plutôt chic, les réfugiés qui tentent la traversée vers l’île grecque de Kos ont changé le cours des choses – et son travail de photographe. Elle ne s’attendait pas, cependant, à ce que sa photo d’un enfant syrien noyé, sur la plage, ait un tel retentissement. Nous l’avons jointe au téléphone, en Turquie.


Où se trouve la plage où a été trouvé le petit garçon ?

La plage de Ali Hoca Burnu est une plage à l’écart de Bodrum. C’est un endroit d’où partent souvent les migrants, donc avec d’autres photographes, on y va chacun son tour pour voir ce qui se passe. Hier, c’était mon tour… Quand je suis arrivée le matin, vers 6 ou 7 heures, il y avait un groupe de Pakistanais. Je les ai rejoints et nous avons aperçu, un peu plus loin, quelque chose échoué sur la plage.
En nous approchant, nous avons vu que c’était le corps d’un enfant. Il y avait d’autres corps, mais plus loin, à 100 ou 200 mètres. On a tout de suite vu qu’il était mort et qu’il n’y avait rien à faire.
Avez-vous hésité à prendre cette photo ?

J’ai été très choquée au départ, mais je me suis reprise très vite. Je me suis dit que je pouvais témoigner du drame que vivent ces gens. Il fallait que je prenne cette photo et je n’ai plus hésité. J’en ai même pris toute une série. J’étais triste car c’est le corps d’un enfant, mais ça aurait pu être le corps d’un adulte, et j’en ai photographié déjà.
L’homme qui tient l’enfant sur la photo est un gendarme, qui fait les premières constatations quand ce genre de choses arrive. Dans les premières images, on voit l’enfant tout seul, car le gendarme est arrivé quelques minutes après.
image: http://s2.lemde.fr/image/2015/09/03/534x0/4745173_6_dc38_l-une-des-photos-du-petit-syrien-noye-faites_dcc950f3762350f8ce5401e6a170440a.jpg
L'une des photos du petit Syrien noyé, faites par Nilufer Demir.
Avez-vous eu conscience que c’était une photo si forte ?

Non, pas du tout. Et aujourd’hui, j’ai un mélange de tristesse et de satisfaction… Je suis contente d’avoir pu montrer cette image à autant de gens, d’avoir témoigné, et d’un autre côté, je préférerais que ce petit garçon soit encore en vie et que cette image ne fasse pas le tour du monde.
Le retentissement de cette photo a été énorme, poussant François Hollande et Angela Merkel à prendre rendez-vous pour évoquer le sujet.

Je n’aurais jamais cru qu’une photo ait de tels effets. J’aimerais vraiment qu’elle puisse aider à changer le cours des choses. Pour ma part, j’aimerais que tout le monde puisse vivre en paix chez soi, et que les gens ne soient pas forcés de fuir leur pays…
Pourquoi cette photo, selon vous, a-t-elle pu autant émouvoir les gens, par rapport à toutes celles publiées avant sur le sujet ?

Je ne sais pas. Peut-être que le monde, en fait, attendait une image qui puisse changer les choses, faire bouger. Peut-être que ma photo a été le déclic que le monde attendait. J’ai surtout été au bon moment au bon endroit.

Source: www.lemonde.fr