Le Maroc, laboratoire du monde arabe


La réforme constitutionnelle transfère la contestation sociale vers le futur gouvernement.
Dans le grand tourbillon des révolutions arabes, le Maroc occupe une place particulière, au-delà de sa grande proximité avec l'Europe. Les observateurs scrutent ce pays avec le plus grand intérêt, puisque, à tout prendre, l'agitation y paraît mieux maîtrisée que dans le reste du Sud méditerranéen, en pleine ébullition. Surtout, c'est le seul pays arabe où le pouvoir a pris les devants, dans une démarche institutionnelle d'inspiration démocratique. Dès le 9 mars 2011, le roi Mohammed VI annonçait des réformes en promettant une révision de la Constitution et un gouvernement issu des élections, non plus désigné. Le 17 juin, il vient de confirmer ses intentions en proposant une nouvelle Constitution, projet qui sera soumis à référendum dès le 1er juillet.

Ce que change la Constitution
Le changement est de taille. D'une part, les principes des droits de l'homme (dont la liberté d'opinion), y compris l'égalité entre hommes et femmes (déjà amorcée avec la réforme du droit de la famille, la Moudawana, adoptée à l'unanimité en 2004), seront inscrits noir sur blanc dans les textes, de même que "les racines juives et andalouses" de la nation. D'autre part, le Premier ministre sera enfin issu du parti "arrivé en première position" à l'issue des élections; il pourra donner son avis en cas de dissolution de la chambre basse du Parlement, déterminer la politique générale et nommer certains hauts fonctionnaires civils. Evolution également importante, le royaume sera divisé en régions et le caractère officiel de la langue amazigh (berbère), parlée par plus de 14 millions de personnes, sera reconnu. Enfin, et c'est essentiel, le pouvoir royal sera désacralisé, au profit de la notion de "respect dû" au souverain ; ­certaines décisions du monarque pourraient même être susceptibles de recours. Si le roi conserve, en revanche, son titre de "commandeur des croyants", si sa personne reste "inviolable" et si la monarchie comme la religion musulmane "ne peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle", la sphère religieuse apparaîtra désormais séparée du champ civil, coupure très significative.

Le roi décide, le roi règne
Immédiatement salué par la France et par l'Union européenne, ce vent de réformes fondamentales soulève de grands espoirs et devrait être largement approuvé par le peuple. Il reste que cette révolution tranquille est dirigée par le souverain lui-même pour couper l'herbe sous les pieds de ses adversaires. C'est la limite du processus. L'idée d'une monarchie qui concède n'a rien à voir avec celle d'un peuple qui décide. Si Mohammed VI a ses partisans, il garde aussi ses adversaires, regroupés, entre autres organisations, dans le très hétéroclite Mouvement du 20 février et qui paraissent bien déterminés à obtenir davantage de libertés. Car le roi s'est taillé un costume démocratique sur mesure, qui lui laisse encore toutes ses aises. Ainsi son projet constitutionnel ménage-t-il un domaine réservé qui va de la défense nationale à la diplomatie, en passant par la sécurité intérieure. Mohammed VI conserve également le droit de renvoyer un ministre, de valider la nomination des juges et de présider le Conseil supérieur de la justice. Les contestataires les plus jeunes, notamment, rejettent ces prérogatives restantes car ils veulent être définitivement des individus, et non plus des sujets. D'où l'empressement du roi à faire voter le peuple en toute hâte, avant que l'opposition ait le temps de se structurer.
Le pari institutionnel de Mohammed VI est doublement habile. Par son esprit démocratique, il ne peut qu'engendrer l'approbation, nationale autant qu'internationale. Par ses conséquences pratiques, il fait rejaillir sur les prochains pouvoirs publics toute l'ampleur des défis - de la lutte contre la ­corruption au combat contre l'illettrisme, en ­passant par le recul du chômage - que la monarchie n'a pas su relever.

Source: www.lexpress.fr

Oslo ne s'attendait pas à un attentat de l'extrême-droite


Un rapport établi avant les attaques commises vendredi montre que la sécurité intérieure norvégienne ne prenait pas au sérieux la menace de l'extrême-droite.

Si la Norvège se méfiait de possibles attentats terroristes, elle était peu inquiète des menaces venant de l'extrême-droite. C'est ce qui ressort, après le double attentat perpétré vendredi par un homme décrit comme un fondamentaliste chrétien et proche de l'extrême-droite, d'un rapport établi par les services norvégiens de sécurité (PST) en 2011. Le PST s'attendait seulement à une augmentation de l'activité des groupuscules extrémistes en 2010, qui devait «se poursuivre en 2011», et relevait tout au plus des contacts accrus avec leurs homologues européens.

«En Norvège, les militants d'extrême droite n'ont été que légèrement actifs au cours de ces dernières années (…) Comme les années précédentes, les groupuscules d'extrême-droite et d'extrême-gauche ne représentent pas une menace sérieuse pour la société norvégienne en 2010», note ainsi le rapport. Le meurtre le plus récent commis par des extrémistes de droite remontait en effet au début des années 2000. Deux Norvégiens avaient alors écoppé de peines d'emprisonnement de 15 et 16 ans pour avoir tué un de leurs concitoyens de couleur noire.

La sécurité intérieure norvégienne redoutait plutôt une attaque islamiste sur son sol qu'un acte isolé comme celui qui vient d'avoir lieu. «Certains extrémistes islamistes apparaissent actuellement de plus en plus orientés à l'international, et c'est principalement ce groupe qui pourrait présenter une menace directe pour la Norvège au cours de l'année à venir», notaient les services du renseignement intérieur, qui redoutaient une «polarisation» et «des troubles».

Le pire attentat en Europe depuis 2005
Les regards étaient donc davantage tournés vers la piste musulmane. Des événements récents ont pu renforcer la conviction des autorités. La semaine dernière, un mollah qui vit en Norvège avait été inculpé pour avoir menacé de mort une politicienne norvégienne. L'an passé, à Oslo, trois islamistes avaient été arrêtés, alors qu'on les suspectait d'avoir eu l'intention de préparer un attentat terroriste.
De manière générale, la police norvégienne s'intéressait aussi aux réseaux sociaux, susceptibles d'engendrer une «radicalisation», et aux «zones de conflits» dans le monde pouvant provoquer des «déplacements» de terroristes. La Norvège avait également reçu plusieurs fois des intimidations en raison de la présence de militaires en Afghanistan.

Les attentats d'Oslo sont les pires en Europe depuis ceux de Londres en 2005 - ils avaient provoqué la mort de 52 personnes. Après cette date, l'Europe n'a connu que peu d'attaques. Selon un rapport d'Europol, le nombre d'attentats dans l'Union européenne a eu tendance à reculer ces dernières années. En 2010 il y a eu 249 attaques terroristes, soit moins qu'en 2009 (294 attaques) et beaucoup moins qu'en 2007 (581) et 2008 (441). L'Europe n'avait jusqu'alors jamais connu d'événements comparables à ceux Oklahoma City une ville des Etats-Unis où, en 1995, un militant d'extrême-droite avait tué 168 personnes en faisant exploser un véhicule piégé devant un bâtiment fédéral. C'est sans doute ce qui explique pourquoi la Norvège a choisi de ne pas renforcer son niveau d'alerte, qui reste toujours «faible».

Source: www.lefigaro.fr