Indépendance: demain l'Écosse, après demain la Catalogne, plus tard la Corse ou le Pays Basque?


Ecosse, Catalogne, Flandres: les régionalistes ont le vent en poupe en Europe, sauf en France. Il y a peu de chances que la Bretagne, la Corse ou le Pays basque puissent s'engager sur la même voie. Voici pourquoi.



L'Europe connaît une forte poussée indépendantiste. En Ecosse, le "oui" à l'indépendance est pour la première fois en tête dans les sondages. En Espagne, les nationalistes catalans ont engagé un bras de fer avec Madrid pour obtenir un référendum sur le sujet. Quant à la Belgique, les Flamands pourraient bien, à terme, se séparer des Wallons.  
Cette montée des régionalismes n'est pas vraiment étonnante car elle est le fruit de la paix que connaît le Continent. Au 19è siècle, jamais les Belges n'auraient pris le risque de se diviser pour une raison simple : les Wallons auraient été avalés tout crus par la France! Ce n'est plus le cas : l'Union européenne a heureusement rendu impossible l'annexion brutale d'un Etat-membre par un autre. Une petite région peut désormais rêver sans crainte à son indépendance.  

Quand une région riche veut son indépendance, elle est taxée d'égoïsme...

Ces revendications s'expliquent aussi par la mondialisation. Dans une économie de plus en plus internationalisée, les peuples éprouvent le besoin de reprendre leur destin en main ; de se doter d'institutions plus proches, qu'ils auront l'impression de maîtriser ; de retrouver leurs racines ; de défendre leur identité. Les sociologues ont même donné un nom à ce phénomène : "glo-cal". Glo pour globalisation, cal pour local.  

...quand c'est une région pauvre, elle est considérée comme irréaliste


Les partisans de l'indépendance sont souvent taxés d'égoïsme. Ce n'est pas toujours faux : les Ecossais veulent profiter de leur pétrole pour sauver leur Etat-providence ; les Italiens du Nord en ont assez de payer pour les Italiens du Sud ; les Catalans pour les Andalous. Mais la situation est insoluble car les tenants des Etats-Nations inversent l'argument quand cela les arrange. Quand une région pauvre exprime des désirs d'indépendance, comme la Corse, ils lui rient au nez en expliquant qu'elle n'a pas les moyens financiers de son autonomie. Ces critiques sont donc contradictoires et illustrent en fait surtout la crainte des Etats _ compréhensible, au demeurant _ d'être démantelés.  
Cette crainte est particulièrement vive en France, vieil Etat-Nation qui a cherché à reproduire son modèle ailleurs. Ce sont nos diplomates qui ont ainsi poussé à la création de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie, après la première guerre mondiale. Deux créations artificielles qui ont fini par éclater, l'une dans le sang, l'autre dans le calme.  


Quand l'identité régionale vire au séparatisme


En fait, il y a plusieurs solutions pour faire tenir ensemble des régions différentes : la force et la souplesse. C'est par la contrainte que la Chine tient le Tibet sous sa coupe : ce n'est évidemment pas un modèle. L'Allemagne, elle, y parvient de manière démocratique. Elle accorde une telle liberté à ses Länder que personne ne songe à quitter la République fédérale. On pourrait en dire autant de la Suisse. Mais l'approche n'est pas infaillible. Selon certains, c'est en laissant trop de latitude à ses régions que l'Espagne aurait alimenté les velléités indépendantistes qu'on observe au Pays basque ou en Catalogne. 
La France, elle, n'est évidemment pas une dictature, mais la manière dont nous traitons nos minorités est régulièrement critiquée. Nous sommes ainsi l'un des rares Etats à n'avoir toujours pas ratifié la charte européenne des langues régionales. Lorsqu'il était au ministère de l'intérieur, Manuel Valls a même refusé que les Basques français dispose simplement d'une collectivité territoriale spécifique. Sans craindre la contradiction, la France soutient les Québécois quand ils défendent leur identité culturelle au Canada, mais refuse d'accorder les mêmes droits à ses cultures régionales au nom de l'unité nationale... 


En France, il a fallu un Etat fort pour faire vivre ensemble des peuples disparates


C'est que la France est une nation culturellement disparate. A l'origine, il n'y avait aucune raison pour que l'Alsace, la Bretagne, la Corse et le Béarn se retrouvent un jour dans le même pays. Pour faire tenir solidement un ensemble aussi divers, l'Etat a donc cherché à éliminer les cultures locales. Ce que le pays a gagné en unité, il l'a perdu en diversité. Et le bon équilibre n'a toujours pas été trouvé. 

Source: www.lexpress.fr