La victoire de Tokyo, au prix d'une campagne intense pour convaincre l'opinion


La joie a finalement triomphé du scepticisme. Au Japon, malgré l'heure matinale, ce dimanche 8 septembre, l'annonce du choix de Tokyo pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques de 2020 a été accueillie avec une certaine satisfaction. Le soutien populaire a pourtant été long à se manifester. Limité, il avait en partie empêché la capitale japonaise d'être choisie pour les jeux de 2016.
Cette fois, comme l'explique un proche du milieu olympique japonais, "la rupture a eu lieu après les Jeux de Londres, au moment du défilé des médaillés olympiques nippons dans le quartier de Ginza, à Tokyo". L'événement avait attiré près de 500 000 personnes et suscité un véritable engouement. Le taux de soutien à la candidature de Tokyo a commencé à décoller. La promotion du projet initié par Shintaro Ishihara, gouverneur de Tokyo jusqu'à la fin 2012, a fait le reste.


La télévision a multiplié les programmes "positifs" évoquant le sport et l'olympisme. Le badge portant le logo fait de fleurs de cerisiers aux couleurs olympiques, auquel a été ajouté le violet – couleur associée aux grands événements culturels à la période d'Edo (1603-1868) – a été largement distribué. A l'approche du jour de la sélection, plusieurs monuments de Tokyo, notamment le Rainbow Bridge et l'impressionnante mairie, ont été éclairés aux couleurs de l'olympisme.

"LA RECONSTRUCTION DU PAYS"

"92 % de notre population est en faveur de l'accueil des jeux, s'extasiait, le 6 septembre, gouverneur de Tokyo, Naoki Inose. L'excitation monte chaque jour." De quoi étouffer les voix dissonantes qui estiment que l'argent prévu ferait mieux d'aller à la reconstruction des zones dévastées par la catastrophe de mars 2011 et au soutien des quelque 160 000 personnes déplacées, ou qui ne veulent pas que la ville devienne un immense chantier.

Pour les organisateurs, les régions sinistrées en 2011 bénéficieront des retombées de l'événement. Le PDG de Mizuno, Masato Mizuno, géant japonais de l'équipement sportif, a démissionné de ce poste en septembre 2011 pour s'occuper du projet de Tokyo. "Cette candidature doit permettre la reconstruction du pays, expliquait-il à l'époque au Monde, et encourager les gens dans cette voie."

La catastrophe nucléaire de Fukushima aurait pu coûter la victoire, notamment ces dernières semaines avec les inquiétudes suscitées par les fuites d'eau contaminée. La décision prise le 3 septembre par le gouvernement de s'engager dans la résolution du problème semble avoir rassuré.

LE PREMIER MINISTRE, "SI HEUREUX"

La victoire de Tokyo – en raison notamment de la solidité financière de la ville, de la sécurité qui y règne et de la qualité du projet – est également celle du premier ministre, Shinzo Abe. Celui-ci a choisi de se rendre à Buenos Aires pour défendre directement la candidature de la capitale japonaise, alors que son entourage redoutait l'impact d'une défaite de Tokyo sur sa popularité. "Je suis si heureux, a-t-il déclaré à l'annonce du choix de Tokyo. J'ai envie de partager ma joie avec le peuple japonais."

Dès son arrivée au pouvoir en décembre 2012, il s'est emparé du dossier. La Ticad V, la conférence de Tokyo sur le développement de l'Afrique organisé en juin, fut l'occasion pour lui d'aborder le sujet avec chacun des 42 dirigeants africains ayant fait le déplacement. Il a également pu compter sur le soutien de la France, qui envisagerait de se porter candidate pour les jeux de 2024 et préférait donc que l'édition 2020 n'ait pas lieu en Europe.

DES CONSTRUCTIONS LIMITÉES

Sur le plan économique, le Japon attend 0,5 % de plus pour le PIB en 2020 avec des revenus supplémentaires à 4 200 milliards de yens (32,1 milliards d'euros). Selon les calculs de l'institut SMBC Nikko Securities, les compétitions programmées entre le 24 juillet et le 9 août devraient attirer 8,5 millions de touristes (autant qu'en 2012 pour tout le Japon).

La demande générée en travaux divers et ventes de produits dérivés devrait atteindre 2 300 milliards de yens (17,6 milliards d'euros), et bénéficier aux "Abenomics", les mesures mises en place par l'administration Abe pour soutenir l'économie nippone.

A la différence de Pékin et Londres, qui ont accueilli les jeux de 2008 et 2012, les investissements dans la construction ne devraient pas dépasser 383,1 milliards de yens (2,9 milliards d'euros) – le projet prévoyant d'utiliser des infrastructures existantes, notamment celles des Jeux de 1964. Le principal site construit sera le nouveau stade national, dessiné par le cabinet d'architectes britannique Zaha Hadid, qui servira également à la Coupe du monde de rugby 2019.

Source: www.lemonde.fr