Premier mariage gay : "Votre histoire rencontre celle de tout un pays"




Vincent Autin, 40 ans et Bruno Boileau, 30 ans, se sont donc dits "oui" à 18 heures précises devant quelque 200 amis, au moins autant d'invités officiels de la mairie (élus, associations) et quelque 200 journalistes. Les deux hommes, qui vivent ensemble depuis dix ans, assument tous les deux leur militantisme et étaient prêts à transformer leur mariage en cérémonie ayant valeur de symbole pour tous. Vincent Autin est le responsable de l'Inter-LGBT Montpellier Languedoc-Roussillon.
Tout l'après-midi, le parvis de l'hôtel de ville de Montpellier, gros cube noir et bleu signé Jean Nouvel, s'est peu à peu rempli de curieux. Vers 17 heures, 300 à 400 personnes attendaient ainsi dans le vent, sans pour autant pouvoir entrer dans la salle ou voir la cérémonie : la mairie avait bien pensé mettre un écran géant sur le parvis, mais la préfecture lui en avait refusé l'autorisation pour des raisons de sécurité. Restait un retour son qui leur permettait quand même de vivre l'événement.

Dans la salle, quelques invités de marque dont Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement : c'est elle qui s'était engagée en septembre 2012 auprès de Vincent Autin directement, pour que son mariage soit le premier à être prononcé après l'adoption de la loi. Près d'un an plus tard, la ministre, habillée en rose fuchsia, a donc fait le déplacement pour assister à l'événement.

Le choix de Montpellier répondait sans doute à deux autres arguments : le fait que la maire de la ville, Hélène Mandroux, s'est engagée en faveur du mariage pour tous dès 2009, et sans doute aussi le fait que les opposants au mariage pour tous n'ont jamais manifesté de manière virulente dans la capitale languedocienne. De fait, à part quelques fumigènes, aucun incident à signaler.

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"CE JOUR NOUS L'AVONS RÊVÉ"

Les deux futurs époux ont traversé le parvis à pied sous les applaudissements pour rentrer directement dans la salle des rencontres, choisie pour sa capacité supérieure à la salle des mariages utilisée habituellement. Tous les deux en costume sombre, une fleur blanche à la boutonnière, une cravate pour Vincent Autin, un nœud papillon pour Bruno, et... des micros accrochés au revers des vestes pour qu'on entende les consentements, dans cette cérémonie retransmise en direct sur plusieurs chaînes nationales.

La maire de Montpellier est entrée dans la salle avant 18 heures, pour accueillir les futurs mariés, entrés main dans la main dans la salle, sous les applaudissements des personnes présentes et sous les airs de la musique qu'ils avaient choisi, Love de Nat King Cole. Dans la foule, quelques personnes du milieu associatif avaient choisi de venir avec des déguisements, mais globalement, pas de fantaisie dans une foule qui ressemble à celle de n'importe quel mariage : des femmes en tenue habillée, des enfants intimidés, des témoins et amis dans les premiers rangs, de l'émotion, des larmes et du rire en alternance. Ce mariage, premier mariage de deux personnes de même sexe, était évidemment exceptionnel, mais la cérémonie a été somme toute conforme à n'importe quel autre mariage dans son déroulé.

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Sous un portrait du président de la République, placé sur un chevalet pour être en évidence sur toutes les photos, le maire de Montpellier a fait un discours en s'adressant directement au couple : "Vincent, Bruno, ce jour, vous l'avez rêvé, nous l'avons rêvé, et aujourd'hui, ce rêve va devenir une réalité. Nous allons vivre, vous allez nous faire vivre un moment historique (...) Votre histoire rencontre en ce jour celle de tout un pays, celle d'une société qui progresse, qui lutte contre toutes les discriminations (...) A ceux et celles qui n'auraient pas compris, je leur rappellerai une phrase de Benjamin Franklin, 'Un peuple près à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux'" .

"LE VRAI SYMBOLE, C'EST CETTE SOLIDARITÉ"

Hélène Mandroux s'est également autorisé une phrase rappelant le contexte chahuté de ces dernières semaines : "Mais que s'est-il passé dans notre pays pour qu'aujourd'hui, le simple fait d'instituer le mariage pour tous provoque un tel déchaînement de haine, de violences, de division, alors qu'il ne s'agit que de permettre à quelques milliers de citoyens de vivre leur amour au grand jour ?".

Message qu'elle a doublé d'un SMS reçu de Jack Lang et qu'elle a tenu à lire devant toute l'Assemblée à la fin de la cérémonie : "Chers Vincent et Bruno, votre bonheur me réjouit. Je suis heureux que notre combat soit pleinement consacré. Il y aura encore quelques escarmouches. Hier, en descendant du train à Marseille, j'ai vivement été agressé par un groupe d'opposants. Vive l'amour, vive la vie".

A 19 heures précises, elle finissait son discours pour demander aux époux de s'engager : "Vincent, consentez-vous à prendre pour époux Bruno ; Bruno, consentez-vous à prendre pour époux Vincent ?". Les deux "oui" tombèrent à quelques minutes d'intervalle autour de 18 heures. La maire pouvait alors conclure, sous les applaudissements de la foule : "Je vous déclare unis par les liens du mariage".

Vincent Autin a pris la parole pour remercier avant tout les militants et les associations : "Le vrai symbole, c'est cette solidarité qui a existé entre toutes les personnes pour que ce mariage soit possible aujourd'hui".

La cérémonie s'achevait alors sous une autre musique choisie par les mariés : Love and Marriage, de Franck Sinatra. Peu après, les mariés reprenaient la parole à un balcon de l'hôtel de ville pour remercier les personnes toujours présentes sur le parvis. La suite était elle aussi conforme à tout mariage : les nouveaux mariés donnaient rendez-vous à leurs invités pour une soirée d'ordre strictement privée, dans un lieu connu d'eux seuls.

Source: www.lemonde.fr