Malaise en Espagne après l'accident de chasse du roi au Botswana


Accidents à répétition pour un roi veillissant, affaire de corruption et, maintenant, polémique autour d'un voyage au Botswana : l'image de la monarchie espagnole se fendille après un annus horribilis inédit pour cette famille longtemps très populaire et protégée par les médias.

Vendredi, le roi Juan Carlos, 74 ans, s'est fracturé la hanche droite lors d'un séjour au Botswana. Rapatrié d'urgence, le monarque a été opéré samedi et les médecins de l'hôpital USP San José de Madrid lui ont posé une prothèse. "L'évolution du patient est totalement satisfaisante", ont-ils assuré. "Il est en pleine forme et sera bientôt en mesure de reprendre son activité habituelle", a renchéri le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, après lui avoir rendu visite dimanche.

30 000 EUROS POUR LE DROIT DE CHASSER

Mais ces nouvelles positives ne parviennent pas à masquer le malaise que cet accident a réveillé en Espagne. Selon les médias, Juan Carlos s'était rendu au Botswana pour une partie de chasse à l'éléphant, autorisée dans ce pays à condition de payer autour de 30 000 euros. Indiquant qu'il s'agissait d'un voyage privé, la Maison royale refuse de le confirmer.

Mais une photo de Juan Carlos posant en 2006, fusil à la main, devant un éléphant mort a été publiée en une de plusieurs quotidiens espagnols, dimanche. Alors que l'Espagne vient de présenter un budget d'une rigueur sans précédent, le cliché a de quoi ternir l'image d'un roi apprécié par les Espagnols pour avoir aidé à établir la transition démocratique, mais aussi pour ses manières simples.

"VOYAGE IRRESPONSABLE"

"D'après les éléments en notre connaissance, il s'agit d'un voyage irresponsable, réalisé au moment le plus inopportun, écrit le quotidien de centre droit El Mundo dans plusieurs éditos. Le spectacle d'un monarque chassant les éléphants en Afrique alors que la crise économique dans notre pays provoque tant de problèmes pour les Espagnols transmet une image d'indifférence et de frivolité que le chef d'Etat ne devrait jamais donner."

En décembre, Juan Carlos avait pourtant appelé les responsables publics à faire preuve de "rigueur, de sérieux et d'exemplarité". Des propos alors interprétés comme une allusion au scandale frappant son gendre, Inaki Urdangarin, mis en cause dans une affaire de corruption qui lui a valu d'être entendu par un juge en février. Soucieuse de protéger l'image de la monarchie, la Maison royale l'a écarté des cérémonies officielles en décembre. Dans un exercice de transparence inédit, elle avait alors publié pour la première fois les comptes de la famille royale.

OPACITÉ AUTOUR DES VOYAGES DU CHEF DE L'ETAT

Mais pour le quotidien El Pais, trop d'opacité règne encore autour des voyages privés du chef de l'Etat à l'étranger, qui ne sont bien souvent pas "communiqués officiellement ni au gouvernement, ni au Parlement, ni à l'opinion publique".

Selon El Mundo, le roi, 74 ans, n'avait pas averti le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, qu'il "prévoyait de se déplacer à l'étranger, et encore moins qu'il participerait à une nouvelle partie de chasse en Afrique". La Maison royale n'a pas confirmé l'objet du voyage du monarque, indiquant qu'il s'agissait d'un déplacement privé.

"DROIT À L'INTIMITÉ"

Le journal conservateur et monarchiste ABC défend, quant à lui, le "droit à l'intimité" du roi, jugeant "lamentable" que certains "profitent de l'accident subi par le roi Juan Carlos" pour critiquer "la monarchie parlementaire", "ignorant ainsi son rôle déterminant dans le fonctionnement de notre système démocratique. ABC dédie cependant un dossier de douze pages à la famille royale intitulé "L'année la plus amère", qui rappelle ses déboires récents.

Avec l'intervention de samedi, c'est la quatrième fois que le roi est opéré en deux ans. Il a été opéré d'une tumeur bénigne au poumon en mai 2010. En juin 2011, on lui a posé un genou droit artificiel et on lui a réparé un tendon d'Achille déchiré en septembre. En novembre, Juan Carlos avait tenté, sans grand succès, de dissimuler derrière des lunettes noires une contusion à l'œil. Ces accidents à répétition soulignent les problèmes de santé d'un roi vieillissant et placent les Espagnols face à l'horizon de plus en plus proche du passage de pouvoir au prince héritier, Felipe.

Source: www.lemonde.fr