La jeunesse espagnole passe à droite


Dans le pays qui a vu naître le mouvement des indignés, la majorité des jeunes s'apprêtent à sanctionner la gauche et à voter pour le candidat conservateur, Mariano Rajoy, dimanche aux élections législatives.

Si nombreux dans les rangs des indignés, ce vaste mouvement de contestation ancré à gauche, les jeunes Espagnols vont pourtant voter en majorité pour le parti conservateur dimanche. Selon le sondage du Centre de recherches sociologiques (CIS), 30% des 18-24 ans comptent voter pour le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, contre 16,5% pour le Parti socialiste (PSOE) de Alfredo Pérez Rubalcaba.

Un revirement remarquable pour cette tranche d'âge : tant en 2004 qu'en 2008, leur participation avait largement contribué à la victoire de José Luis Zapatero. Cette fois, leurs voix devraient au contraire renforcer la victoire, qui s'annonce écrasante, de la droite, après sept années de gauche au pouvoir.

Un vote sanction
«Ils ne raisonnent pas en terme de gauche et de droite mais de parti au pouvoir et de parti d'opposition», explique Jaime Pastor, professeur de sciences politiques de l'université à distance Uned, pour qui il s'agit clairement d'un vote sanction.

Car les années Zapatero sont synonymes de crise et d'austérité pour les jeunes. Le chômage, qui atteint 21,5%, touche 45% des moins de 30 ans. Un jeune sur dix a dû retourner vivre chez ses parents en 2010. «Neuf Espagnols sur dix estiment qu'ils ont plus de chance de trouver du travail à l'étranger qu'en Espagne, ajoute Jaime Pastor. De plus en plus d'entre eux émigrent, notamment vers l'Allemagne ou encore l'Argentine ».

Le rôle des «indignés»
Les indignés n'ont-t-ils donc aucune influence sur les élections ? Après tout, ce mouvement, qui a fait des émules dans le monde entier, est né à Madrid. Il a fait descendre dans la rue des centaines de milliers d'Espagnols, dont beaucoup de jeunes, et il est largement soutenu par l'opinion publique. Or paradoxalement, le mouvement joue contre le PSOE et donc en faveur du PP.

D'abord les indignés dénoncent le monopole jugé antidémocratique des deux grands partis politiques. L'une de leur revendication principale concerne d'ailleurs une réforme de la loi électorale qui en finirait avec le bipartisme et donnerait plus de chance aux petits partis. Car de leur point de vue, l'offre politique du PP et du PSOE est sensiblement la même. «PSOE-PP, c'est la même merde» figure parmi leurs slogans. De fait, aucun des deux partis ne remet en cause la nécessité de continuer d'imposer des mesures de rigueur afin de réduire le déficit et rassurer les marchés financiers. Et pour les indignés, cette soumission aux exigences des marchés constitue une «confiscation» de la démocratie.

Ainsi, «les jeunes qui sont sensibles à ce discours ne vont surtout pas voter pour le parti socialiste, explique Fermin Bouza, professeur de sociologie à l'université Complutense de Madrid. Ils vont s'abstenir, voter blanc, ou voter pour les petits partis d'extrême gauche». De fait, il existe plus de petits partis à gauche du PSOE, susceptibles de lui prendre des voix, que de petits partis à droite du PP. Selon le sondage du CIS, 5% des jeunes comptent voter pour le parti d'extrême gauche Izquierda unida (IU) et 2,3% pour le parti progressiste UPyD. IU, qui compte deux députés actuellement, pourrait ainsi en avoir huit dans le nouveau Parlement. Quant au vote blanc, il avait déjà atteint son record historique de 2,5% des suffrages enregistrés lors des élections municipales et régionales de mai, qui avaient été très marquées par l'irruption des indignés dans le débat public.

Source: www.lefigaro.fr