Pour les Espagnols, c'est l'Allemagne qui offre des "perspectives d'avenir"


MADRID CORRESPONDANCE - Devant le Goethe-Institut, de Madrid, des dizaines d'Espagnols font la queue pour s'inscrire en cours d'allemand. Depuis les déclarations de la chancelière allemande, Angela Merkel, affirmant, avant le sommet hispano-allemand de février que son pays avait besoin de travailleurs qualifiés en médecine, informatique et dans les nouvelles technologies en général, les demandes ont explosé. "Cette année, le nombre d'élèves a augmenté de 30 %, relève le directeur adjoint, Manfred Ewel. Les raisons sont économiques."

Dimas Vallina, étudiant en ingénierie aéronautique, attend son tour. Il a 19 ans, mais n'a pas de doute : son futur se jouera hors de son pays. "Je sais que j'ai plus de chances de trouver un bon travail en Allemagne. Si la situation était meilleure en Espagne, je ne partirais pas. Ce doit être dur de s'habituer au froid." "Apprendre l'allemand, c'est la garantie que si les choses tournent mal ici, je pourrai partir...", assure quant à lui Ricardo Cuesta, 50 ans, employé municipal à Madrid.

Au Goethe-Institut, les étudiants de philosophie, lettres ou sociologie ont dû laisser la place aux diplômés en architecture, ingénierie, nouvelles technologies et informatique. "Souvent, ils sont déjà sur le marché du travail mais ne trouvent pas de postes stables", note M. Ewel.

Pour satisfaire ce nouveau profil, le centre a ouvert des modules de rédaction de CV et de lettres de motivation, et organise des oraux sous forme de faux entretiens d'embauche. Il publie aussi des offres d'emplois en Allemagne et a même organisé une rencontre avec la chambre de commerce de la région du nord de Stuttgart.

"La réalité n'est pas aussi rose que ce que l'on croit avant de partir", prévient Alfonso Calderon, architecte de 32 ans, qui s'est installé à Berlin l'an dernier. Il lui aura fallu presque un an pour trouver un emploi. "Mais au moins, on peut y avoir des perspectives d'avenir."

Trentenaire et surdiplômé

Combien, comme lui, ont franchi le Rhin pour trouver une solution au chômage qui frappe durement l'Espagne ? Difficile à dire. En Europe, la libre circulation des travailleurs complique le recensement. Mais les Espagnols sont de plus en plus nombreux à partir. L'Institut national de statistiques espagnol (INE) prévoit 580 000 départs cette année, pour 450 000 entrées, nouvelles arrivées et retours.

La plupart de ceux qui partent sont des immigrés venus pendant le boom et qui rentrent chez eux une fois les prestations du chômage épuisées. Mais un sur dix est un Espagnol. Trentenaire, diplômé voire surdiplômé, qui cherche un travail intéressant et bien payé. Ce à quoi il peut difficilement prétendre en Espagne avec un taux de chômage de 21 % - et de 45 % chez les jeunes.

"Cela fait deux ans que les plus jeunes, et sans aucun doute les mieux formés, ont pris le chemin du départ", souligne le démographe et économiste Juan Antonio Fernandez Cordon, dans une tribune dans le quotidien El País.

Sandrine Morel

Source: www.lemonde.fr