La Catalogne vote l'interdiction des corridas


Victoire historique pour les opposants à la tauromachie. Les députés du Parlement régional de Catalogne, dans le nord-est de l'Espagne, ont approuvé l'interdiction des corridas, par 68 voix pour et 55 contre. La Catalogne devient ainsi la deuxième région d'Espagne à interdire la tauromachie, après l'archipel des Canaries en 1991. Ce vote, fruit de sept mois de débats, est le résultat d'une "initiative législative populaire" (ILP), lancée en 2008, qui a recueilli 180 000 signatures.

Le Parlement catalan vote l'interdiction de la corrida en guise de défi à Madrid

Pendant les mois précédant le vote, partisans et opposants se sont déchirés à propos de cette interdiction par voie de presse interposée. Au point qu'aujourd'hui, le principal quotidien national, El Pais, propose sur son site Internet une sélection de points de vue parus dans ses pages en faveur et en défaveur de la corrida.

UN COÛT SOCIAL ÉLEVÉ

Les défenseurs des corridas ont souligné à l'unisson les risques économiques liés à l'interdiction de ces festivités dans la région autonome, dont le coût pourrait, selon les estimations, atteindre 500 millions d'euros. L'indemnisation des travailleurs du secteur s'élèverait à elle seule à 400 millions d'euros. Un professeur d'économie de l'université de Barcelone, cité par El Mundo, estime quant à lui ce coût à 57 euros par Catalan, tout en soulignant que seules seize corridas ont eu lieu à Barcelone en 2008, bien moins que les trois cent quarante-trois corridas organisées à Madrid la même année. Le secteur taurin emploi quarante mille personnes à travers l'Espagne et génère plusieurs milliards d'euros de revenus chaque année.

L'argument culturel et identitaire est particulièrement mis en avant par les défenseurs de la tauromachie, avance El Pais : selon les aficionados, la corrida fait partie de l'identité catalane, elle y remplit une fonction sociale, et ses détracteurs ne le seraient que pour des raisons politiques, notamment dans une logique de confrontation au gouvernement fédéral. L'exécutif catalan a toutefois mis en garde contre toute récupération politique du débat : il a demandé que celui-ci "ne soit pas utilisé comme un élément de confrontation entre la Catalogne et le pouvoir central".

A l'inverse, les défenseurs des animaux se réjouissent de la possibilité de "contagion" de cette décision à d'autres régions. Citée par Publico, la présidente du Parti antitaurin contre la maltraitance des animaux (PACMA) considère que le succès de l'initiative populaire "pourrait encourager d'autres communautés autonomes". Pas sûr pour autant que le débat prenne dans d'autres régions espagnoles. Dans le Diario de Sevilla, l'exécutif andalou juge "impensable" l'interdiction de la tauromachie dans cette région du sud de l'Espagne.

"FACTEUR DE DÉSUNION"

Il n'empêche que le sentiment d'atteinte à l'intégrité de la province est palpable. Dans les pages d'El Mundo, l'écrivain catalan Pere Gimferrer considère que l'interdiction équivaut à une "agression culturelle" comparable à l'interdiction du carnaval durant le franquisme. Quant à El Juli et Enrique Ponce, deux des plus célèbres toreros espagnols, s'exprimant dans les colonnes du quotidien ABC, ils considèrent que cette interdiction, en plus d'attenter à la liberté, "fera triompher le nationalisme séparatiste, créera une rupture avec le pouvoir central, et sera un facteur de désunion entre les Espagnols".

Cette loi ne résout pas tout, note enfin El Pais, car elle laisse en suspens toutes les autres fêtes catalanes impliquant de mauvais traitements sur des animaux, et notamment celle des "correbous" (corretoros en espagnol), tradition qui consiste à encercler un taureau et à lui faire subir des sévices plus ou moins importants, mais sans que mort s'ensuive.

Source: www.lemonde.fr