Alerte à la méphédrone, nouvelle drogue en vente sur le Net


Ce produit de synthèse aurait déjà causé plusieurs décès en Grande-Bretagne. Les autorités françaises envisagent son interdiction.

L'émergence de la méphédrone sur le sol français préoccupe depuis plusieurs semaines les autorités chargées de lutter contre la toxicomanie. Ce stimulant de synthèse, qui connaît depuis l'été dernier un succès considérable outre-Manche, est en effet soupçonné d'être impliqué dans une bonne vingtaine de décès survenus en Angleterre et en Écosse. Sans attendre qu'elle déferle sur l'Hexagone, la Commission nationale des stupéfiants a récemment lancé une procédure d'évaluation en vue de son possible classement sur la liste des produits illicites. «Nous devrions être en mesure de nous prononcer avant l'été sur l'opportunité d'une telle mesure», précise Fabienne Bartoli, directrice adjointe de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

Des milliers de gélules interceptées
Totalement inconnue il y a encore peu, la méphédrone est l'une des multiples drogues de synthèse qui, imitant les effets «euphorisants» de l'ecstasy et des amphétamines, connaissent actuellement une diffusion rapide grâce au développement du commerce électronique. Fabriquées en Chine par des chimistes rivalisant d'imagination, ces molécules sont acheminées le plus légalement du monde jusqu'en Europe, où les responsables de sites Internet assurent leur commercialisation à des tarifs très attractifs. Fondée sur un principe actif voisin de celui du khat, la méphédrone s'est ainsi imposée l'an dernier à travers l'Europe, jusqu'à ce qu'une série de décès suspects survenus ces derniers mois chez des consommateurs conduisent plusieurs pays à en interdire la consommation.

En France, c'est à l'au tomne 2009 que plusieurs correspondants régionaux de l'Observa toire français des drogues et toxicomanies (OFDT) ont signalé l'apparition de cette substance, sous forme de poudre ou de gélules, dans certaines soirées électro. Simultanément, la surveillance des forums électroniques semble attester l'intérêt des jeunes usagers de stupéfiants pour ce nouveau produit. Enfin, la toute récente saisie par les douanes françaises de 200doses et 150 grammes de poudre confirment l'existence d'un trafic qui, dans d'autres pays d'Europe, a d'ores et déjà donné lieu à l'interception de milliers de gélules et de plusieurs kilos de poudre.

Responsable du pôle «tendances récentes et nouvelles drogues» à l'OFDT, Agnès Cadet-Taïrou souligne que «les données disponibles sont à la fois trop récentes et trop limitées pour que la diffusion de cette molécule en France puisse être précisément évaluée». «Compte tenu de la vitesse à laquelle la méphédrone s'est implantée en Grande-Bretagne, nous avons cependant fait le choix d'évaluer sans tarder les risques que présente cette molécule en terme de pharmacodépendance, d'abus et de santé publique», explique pour sa part Fabienne Bartoli. Si elle le juge nécessaire, la Commission nationale des stupéfiants pourrait ainsi recommander d'ici à quelques semaines le classement de ce produit au ministre de la Santé.

En Grande-Bretagne, l'interdiction programmée de la méphédrone suscite depuis plusieurs semaines une vive controverse entre experts médicaux. Certains médecins jugent en effet que l'implication de la méphédrone dans les accidents observés n'a pour l'heure pas été formellement démontrée. À ce jour, un seul cas d'overdose à la méphédrone a en effet été confirmé, en Suède, par une autopsie. D'un autre point de vue, certains spécialistes soulignent que l'interdiction de la méphédrone risque d'accroître encore sa récente notoriété, et d'encourager ainsi certains jeunes à en faire l'expérience. Enfin, plusieurs scientifiques soulignent les limites de la procédure de classement en matière de drogues de synthèse. «Si vous interdisez une molécule donnée, il y a de forts risques pour que les chimistes créent instantanément un produit presque simi laire, dont la formule chimique ne sera cependant pas prohibée», relève Agnès Cadet-Taïrou.
Source: www.lefigaro.fr