Les deux Corées: réunification presque impossible


Il a dédié sa vie au dialogue entre les deux Corées. Park Jae-Kyu a reçu vendredi le prix du jury de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits. Ancien ministre sud-coréen de la Réunification, Park Jae-Kyu a joué un rôle de premier plan pour faciliter le rapprochement et les échanges entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Cet homme calme et souriant a été l’un des artisans de la Sunshine policy, la «politique du soleil qui brille» que le président sud-coréen Kim Dae-jung avait initiée en 1998.

2,9 millions de dollars pendant dix ans
Park Jae-Kyu reconnaît que cette politique d’ouverture et de coopération entre les deux états frères a fait l’objet «de critiques. Nombreux sont ceux qui nous disent que Séoul a versé beaucoup d’argent pour recevoir en retour que des menaces nucléaires», note l’ancien ministre qui fait les comptes après dix ans d’aide. «Entre 1998 et 2008, nous avons versé 2,9 milliards de dollars pour lancer le complexe industriel de Kaesong (dans le sud de la Corée du Nord), payer les salaires des 40.000 nords-coréens employés sur ce site et subventionner les échanges commerciaux.»

Aujourd’hui devenu président de l’Université Kyungnam, Park Jae-Kyu estime que cette aide a malgré tout permis «quelques petits changements significatifs». A ses yeux, la Corée du Nord a profité d’une aide humanitaire (qui représente l’équivalent de 3 milliards de dollars) envoyée par la Corée du Sud. Le Nord a pris conscience que cette aide a, d’une certaine manière, changé leur regard sur la Corée du Sud.

Pas de réunification
Park Jae-Kyun préfère expliquer l’intervention de la Corée du Sud sur le site industriel de Kaesong. «D’ici à deux ans, près de 100.000 nord-coréens devraient être embauchés sur ce site. Ces employés se sont rendus compte qu’ils étaient mieux payés que la moyenne des autres nords-coréens. Nous estimons que bientôt 500.000 personnes devraient bénéficier des retombées de Kaesong.»

Park Jae-Kyun avance que cette démarche «progresse très lentement». «C’est la politique des petits pas. Mais au final, le régime ne pourra refuser ces petits changements et limiter les aspirations au changement du peuple.»

En pleine commémoration de la chute du Mur de Berlin et la réunification allemande, l’ex-ministre se garde bien d’évoquer un tel scénario pour les deux Corées. Et a fortiori la moindre date. «Notre situation est différente, notre histoire est différente. Nos visions de l’avenir n’ont rien en commun, avance étrangement l’ex-ministre de la Réunification. Il est difficile de concevoir une réunification entre les deux Corées. Il faut plutôt réfléchir à la manière dont peuvent s’harmoniser ces différences.»

«Changement radical»
L’expert des relations intercoréennes dresse un premier bilan de l’action du président sud-coréen élu en février 2008, le conservateur Lee Muyng-bak. «Il s’est focalisé sur la résolution de la crise nucléaire, sur la nécessité pour le régime nord-coréen de s’ouvrir et de se lancer dans des réformes économiques, en laissant au second plan la coopération et la réconciliation» de la Sunshine policy. «C’est un changement radical.» Depuis l’arrivée de Lee Myung-bak, la «situation s’est tendue», juge Park Jae-Kyun. Qui avance que le président sud-coréen commence à «assouplir sa politique qui n’a pas eu les effets escomptés».

Cette nouvelle approche pragmatique va dans le même sens, à ses yeux, que la politique d’Obama envers le Nord. De la visite du président américain en Asie (du 12 au 19 novembre), il espère l’annonce officielle de la date de la reprise des pourparlers à six sur la dénucléarisation de la péninsule. Depuis sept mois, ces négociations sont dans l’impasse et la République populaire et démocratique de Corée souffle le chaud et le froid.

Source: www.liberation.fr