Les nouveaux visages de la pauvreté


Isabelle, 40 ans

Sur la carte de la galère, Isabelle ne se situe "pas loin de la pauvreté". Il y a deux ans, elle travaillait comme conseil en entreprise à Rouen. Un poste de cadre et un salaire de 2 500 euros. Aujourd'hui, elle a rejoint la foule qui se presse, chaque vendredi, rue du Vieux-Moulin, à l'épicerie solidaire du Secours populaire de Gravigny (Eure), où les produits les plus chers ne dépassent pas les 2 euros. Isabelle a mis du temps avant de pousser la porte de la petite permanence tenue par Monique et Evelyne. "J'ai toujours fait partie des personnes qui apportaient de l'aide, et pas de ceux qui en avaient besoin", explique-t-elle.

Titulaire d'une maîtrise de droit, la jeune femme n'avait jamais connu le chômage. Depuis un mois, elle touche l'allocation de solidarité spécifique (ASS) réservée aux chômeurs en fin de droits. Avec 400 euros par mois, le loyer du petit F2 social est encore trop lourd, même une fois déduits les 160 euros touchés au titre de l'allocation logement. Pour l'alimentation, il y a l'épicerie sociale et quelques courses dans un hard discounter.

Fini le shopping, le petit pavillon, l'esthéticienne et le coiffeur de sa vie d'avant. Aujourd'hui, la mise est toujours soignée, mais le pas est devenu plus pesant. A l'agence de Pôle emploi, son conseiller lui a dit de travailler "sur son CV et sa lettre de motivation", mais les rares retours des employeurs sont négatifs. Elle a pourtant revu ses ambitions professionnelles à la baisse. "Un emploi dans la formation ou même de secrétaire polyvalente", lui conviendraient, juste pour ne plus "se sentir en survie".

Marie-Thérèse et Claude, 73 et 79 ans

"On ne peut pas faire la java." A 79 ans, Claude résume sa situation financière avec humour. Avec Marie-Thérèse, cinquante ans de mariage, "il a calculé toute sa vie, mais maintenant on peut plus joindre les deux bouts". A eux deux, ils touchent 1 100 euros de retraite, résultat d'une vie de travail commencée à 14 ans comme ouvriers agricoles. Il y a eu ensuite l'usine pour lui et un travail d'employée dans une "maison bourgeoise" pour elle. La propriété était belle, "la patronne" ne déclarait pas son employée mais, qu'importe, pendant quarante ans "ils étaient bien, logés sur place". Il y a cinq ans, "au décès de Madame, nous avons dû partir", explique Marie-Thérèse. La mairie leur a trouvé un appartement social, mais "ils tournent en rond là-dedans", et puis "379 euros, c'est cher". "Les prix qui augmentent sans cesse", "un fils au chômage qu'il faut aider", des dépenses médicales inattendues les ont contraints à s'adresser au Secours populaire. "A chaque fois, on croit qu'on peut tenir le choc et puis...", soupire Claude.

Chaque vendredi, ils trouvent à la permanence un fond d'épicerie, un peu de chaleur humaine et des propositions de sorties, eux qui n'étaient jamais partis en vacances. Les "papymamie", comme les appellent les gosses du quartier, sont toujours partants, mais "à condition de payer", précise Marie-Thérèse. "Jamais de dette, jamais d'acompte à l'usine", explique Claude avec fierté. L'hiver 2008, quand les 175 euros de chauffage sont arrivés, ils "ne pouvaient pas". Le Secours leur a avancé l'argent. Ils ont remboursé "rubis sur l'ongle" 40 euros par mois.

David, 27 ans

David ne se sent pas pauvre. "Les pauvres, ce sont les gens qui vivent sous les ponts." Lui, il est juste dans une "mauvaise passe". Il y a un an, il a perdu son emploi dans une entreprise de charpente. Il avait eu du mal à trouver ce contrat à durée indéterminée. "Six ans d'intérim à courir les missions", avant de pouvoir se poser. Avec 1 300 euros mensuels, il s'était pris un studio. "Une petite vie tranquille", rythmée par quelques sorties, la pêche et ses maquettes d'avion. Juste après les vacances, il a appris qu'il était licencié.

"Depuis, c'est la crise et, même en intérim, je ne trouve rien." Deux fois par semaine, il appelle les quatre agences du coin. "Pas de diplôme, juste un niveau CAP maçonnerie et pas de permis de conduire, voilà ce que l'on me répond." Il y a quelques mois, il y a cru. Il est parti en Savoie sur un chantier, avec l'espoir d'être embauché, "mais ça n'a pas marché". Avec ses 900 euros de chômage, une fois le loyer et les charges payés, il peut remplir chaque semaine un panier du "Secours popu" à 5 euros et faire quelques courses. Mais "pour se payer le permis pêche à 140 euros, il faudra avoir trouvé du boulot".

Aurélie, 24 ans

Les anniversaires, Noël... A 24 ans, Aurélie a appris à anticiper tous les événements et les dépenses afférentes. Secrétaire médicale à mi-temps à l'hôpital d'Evreux (Eure), son CDD court jusqu'en décembre. Avec ses 600 euros mensuels, elle est obligée elle aussi de fréquenter la permanence de la rue du Vieux-Moulin. "Quand je travaillais à plein-temps, je n'y allais pas, explique-t-elle. Au début de l'année, ma mère a perdu son emploi à cause de la crise. Avec mon salaire et son chômage, nous arrivons à 1 400 euros mais il faut vivre à quatre." Aurélie a en effet un frère et une soeur plus jeunes. Alors, quand le réfrigérateur a commencé à se vider, "il n'y a pas eu le choix". Il lui a fallu un mois pour franchir les quelques mètres qui séparent son appartement de la permanence du Secours populaire.

France Télécom : "Des humiliations quotidiennes"

"Un management de la terreur"

Alors que les suicides et tentatives de suicide se multiplient au sein de France Télécom, Le Monde.fr a demandé à des employés de témoigner sur leurs conditions de travail. Si certains employés relativisent une "surmédiatisation de drames personnels", d'autres pointent du doigt un management par la terreur et une culture du rendement.

  • "Ce que je vois me choque profondément", par Anonyme

Je suis employé à France Télécom dans un service dédié aux clients ayant un chiffre d'affaires élevé. Ce que je vois tous les jours au travail me choque profondément. Je ne parle ni des restructurations, ni des suppressions de postes, mais bien du management au jour le jour. Un management par la terreur. Nous sommes obligés de demander la permission à notre responsable pour aller aux toilettes. Si le temps de pause dépasse une minute, nous devons fournir une explication écrite. Les demandes de congés restent sans réponse. Ces humiliations sont quotidiennes, notamment pour les collègues de plus de 50 ans qui ont accepté ces fameuses mutations, sur des postes inférieurs, pour le bien de l'entreprise. Mon indignation face à de tels comportements m'a attiré une réelle animosité de la part de mes responsables.

  • "J'ai vu autour de moi la souffrances de mes collègues", par Catherine R.

Le changement d'ambiance est survenu en 2000-2001. A 50 ans, j'ai accepté une prime pour quitter France Télécom, je n'avais plus assez d'énergie. J'ai vu autour de moi la souffrance de mes collègues : arrêts-maladie, dépression, et les crises de larmes sur le plateau étaient très courants, et je sais que cela ne s'est pas amélioré depuis. On ne se sent pas soutenu par la hiérarchie. Lorsque j'ai perdu brutalement mon boulot aux ressources humaines, j'avoue avoir eu envie le soir en rentrant en larmes de projeter ma voiture contre un platane. C'est la seule fois de ma vie que cela m'est arrivé.

  • "On minimise les coûts sans tenir compte des conditions de réussite", par Gérard A.

Je ne travaille plus à France Télécom, mais je suis président d'une association de retraités qui "récupère" chaque semaine des nouveaux adhérents issus de France Télécom, usés, déçus, amers. Personnellement, j'ai vu de l'intérieur comment se préparaient et se déroulaient ces restructurations "indispensables". On paie – cher – un consultant. On minimise les coûts sans tenir compte des conditions de réussite. C'est ainsi que des comptables se retrouvent aux ressources humaines, des techniciens opérateurs sont mutés dans des centres d'appels... Sans formation préalable, ils se retrouvent en situation d'échec. Quant aux managers, ils ne sont ni recrutés ni évalués sur leurs compétences managériales, mais sur leur aptitude à dégager du cash.

  • "Combien de temps vais-je tenir avant de craquer à mon tour ?", par Olivia L.

Il y a dix ans, j'étais fière d'avoir signé mon CDI à France Télécom, le travail était intéressant et j'étais épanouie. Depuis, les choses ont bien changé. Le caractère humain a complètement disparu, nous ne sommes considérés que comme des chiffres. Travaillant sur une plate-forme d'appel, la seule chose qui compte maintenant c'est combien d'appels j'ai pris dans la journée et combien de ventes j'ai pu faire. Le stress est permanent et les mutations de services fréquentes, j'en suis à mon sixième poste et je n'ai rien demandé ! On nous demande de nous remettre en question en permanence, de recommencer à zéro à chaque fois et de vendre encore plus. La plupart de mes collègues sont sous anti-dépresseurs. Combien de temps vais-je tenir avant de craquer à mon tour ?

  • "Ce n'est plus du travail mais du pilotage à vue", par Daniel Lebrun

Hormis le stress, je dirais que c'est plus la qualité du travail qui est en cause : ce n'est plus du travail mais du pilotage à vue. Il est impossible de comprendre la statégie à long terme de l'entreprise. Les métiers techniques, prédominants il y a quelques années, ont disparu. La recherche et développement est complètement désorganisée. Des personnes passionnées par leur travail se sont retrouvées sur des postes de ressources humaines, de marketing... Des postes qui ne soulèvent pas l'enthousiasme. La dégradation des conditions de travail a commencé à l'instant où notre PDG a décidé que France Télécom devenait une société de services et que la technique devait désormais être assurée par des industriels. Monsieur Lombard [PDG d'Orange] devrait se souvenir de ses débuts dans la maison, de l'ambiance de l'époque.


"Une surmédiatisation de drames individuels"
  • "Nous aidons nos employés", par X...

Je suis directeur commercial d'un centre France Télécom dans la région Ile-de-France. Je suis outré de voir ce rapprochement fait par la presse entre les suicides et les réformes mises en place par notre direction. Il faut savoir que nos employés bénéficient de facilités notoires. Un employé de mon centre reçoit en général deux avances de salaire par an. Nous les aidons pour leurs demandes de crédit et tentons de leur offrir des horaires humains et adaptés à leur vie privée. Je travaille pour gagner de l'argent mais aussi pour le bien-être de mes employés. Et je ne suis pas le seul. Je vis mon job 24h/24, alors qu'on parle de climat invivable au sein de France Télécom me fait bien rire.

  • "L'ambiance y est excellente", par Yohann M.

J'ai eu l'occasion en 2007 et 2008 de travailler dans les locaux de France Télécom Recherche et Développement en tant que prestataire de services. Je peux vous assurer que l'ambiance y est excellente. En tant que prestataire, les avantages sont loin d'être les mêmes que ceux des employés de France Télécom. Je ne comprends pas pourquoi les médias s'en prennent de cette façon à eux, il y a à mon avis peu d'entreprises pour lesquelles il est plus agréable de travailler que France Télécom.

  • "Une surmédiatisation de drames individuels", par Cécilia B.

Salariée de France Télécom, j'estime que les conditions de travail ne se sont pas particulièrement détériorées au sein de l'entreprise depuis mon entrée en 1990. L'entreprise a certes connu des changements importants (transformations structurelles, évolutions technologiques et ouverture à la concurrence), mais ces mutations ne sont qu'un reflet de l'évolution de la société. La "vague" de suicides ou tentatives de suicide reflète moins une dégradation de l'ambiance de travail qu'une surmédiatisation de drames individuels, entretenue par quelques organisations syndicales qui tentent d'exploiter la fragilité de salariés qui peuvent être confrontés à des situations individuelles de travail difficiles, pour généraliser le phénomène. C'est dangereux, voire irresponsable dans le cas du suicide.

  • "Des milliers de chômeurs rêveraient d'avoir ces conditions de travail", par Michel N.

J'enchaîne sans arrêter, depuis 1998, les contrats chez France Télécom, en tant que prestataire de services informatiques. La plupart des prestataires, ici, seraient satisfaits d'avoir la sécurité d'emploi relative, les syndicats puissants, et l'accès aux avantages du comité d'entreprise de France Télécom ! Certains "vrais salariés" de France Télécom devraient aller faire un tour dans une société de services informatiques, ça les ferait sans doute relativiser. Attribuer un suicide aux conditions de travail chez France Télécom ? C'est limite indécent. Des centaines de milliers de chômeurs rêveraient d'avoir ces conditions de travail.

Silvio Berlusconi se qualifie de "meilleur président du Conseil"


Silvio Berlusconi a déclaré jeudi qu'il pensait être "de loin le meilleur président du Conseil" de l'histoire italienne, répondant à un journaliste d'El Pais qui lui demandait s'il avait l'intention de démissionner à cause des scandales dans lesquels il est impliqué.

"Je crois être de loin le meilleur président du Conseil des 150 années de l'histoire italienne", a déclaré M. Berlusconi lors d'une conférence de presse en Sardaigne avec son homologue espagnol José Luis Zapatero. Il répondait à un journaliste du quotidien espagnol contre lequel Berlusconi a annoncé une plainte.

En juin, El Pais avait publié des photos prises dans la luxueuse propriété sarde du Cavaliere, sur lesquelles apparaissent des femmes aux seins nus, dont certaines auraient pu être rémunérées pour leur présence.

"Je n'ai jamais versé une lire, un euro pour une prestation sexuelle", a affirmé M. Berlusconi, répétant presque mot pour mot des propos tenus en juin et démentant formellement avoir été bénéficiaire d'un réseau de prostitution.

Mercredi, les quotidiens Corriere della Sera et La Stampa avaient publié les extraits de l'interrogatoire d'un homme d'affaires inculpé de corruption à Bari (sud), Gianpaolo Tarantini, qui disait avoir appuyé des demandes d'aide économique auprès de M. Berlusconi en lui présentant certaines de ses "amies".

Empêtré depuis plusieurs mois dans des scandales, dont la presse internationale s'est fait le relais, notamment une relation intime présumée avec une mineure et des prostituées, M. Berlusconi cherche à limiter les dégâts au sein de sa majorité et dans ses rapports avec l'Eglise catholique en mettant en avant les réalisations de son gouvernement et des élus de son parti.

Dire que les jeunes femmes figurant sur les listes de son parti aux récentes européennes avaient été choisies pour leur physique est "un mensonge et une calomnie", a-t-il poursuivi.
Silvio Berlusconi est au pouvoir depuis 2 500 jours, selon ses propres calculs, dépassant Alcide De Gasperi, homme politique démocrate-chrétien et figure de l'après-guerre, qui a gouverné de 1945 à 1953.

Michael Moore appelle à l'insurrection


Des émotions très diverses. Hong-Kong nous a donné un thriller incroyablement classieux, Yi ngoy (Accident), de Soi Cheang, un proche de Johnnie To.

La France de Claire Denis a frappé fort avec White material, dans lequel Isabelle Huppert, comme toujours épatante, incarne une propriétaire de plantation de café dans un pays africain soumis à de subites et terribles violences. Nous y reviendrons.

Mais ce sont sans doute les Etats-Unis de Michael Moore qui ont suscité le plus grand emballement médiatique. Parce que c'est vraisemblablement le meilleur Michael Moore. Et parce que son sujet, la crise financière planétaire, nous concerne tous.

Capitalism : a love story ne surprendra pas outre mesure les habitués du cinéma de Moore. C'est un documentaire délibérément subjectif et militant. Un nouvel exemple de la maestria, tout en panache, en drôlerie (nombreux moments de franche hilarité), et parfois en cabotinage, du Robin des bois américain. C'est une leçon d'histoire contemporaine destinée aux inconditionnels de l'école buissonnière. C'est plein d'excès, de démagogie, et de cet entêtement à vouloir convertir qui peut provoquer le rejet.

Seulement ici, Moore, qui se met un peu en retrait, n'a jamais été aussi crédible, et pour cause : la bataille contre le capitalisme est l'affaire de sa vie, et l'introduction de son film en témoigne. Il y a vingt ans très exactement, Moore réalisait son premier film (Roger and me) dans sa ville natale de Flint, dans le Michigan. Il y dénonçait à l'époque les licenciements massifs décidés par General Motors, en pointant le caractère vénal de ces décisions arbitraires.

L'homme y était sacrifié sur l'autel du profit maximal.

Seulement voilà, constate Moore, depuis un certain 15 septembre 2008, les choses se sont aggravées, à tel point que le virus contamine aujourd'hui la planète entière. Et que les contribuables sont appelés, aux Etats-Unis comme - souvent - ailleurs, à sauver les banques.

Jusque là, rien de neuf que nous ne sachions. Mais Michael Moore va plus loin. Mène l'enquête. Rencontre des experts, sénateurs en colère, observateurs critiques et développe sa thèse : le krach boursier est un coup d'Etat financier. Un complot d'une ploutocratie pour plumer, toujours plus, les damnés de la Terre. Et Moore d'installer sa caméra à l'intérieur de maisons de « pauvres ». Il filme leur expulsion et la saisie de tous leurs biens.

Une sénatrice témoigne à chaud : « Ne quittez pas vos maisons. A la limite, squattez-les ! » Incroyable, commente Moore, surpris d'entendre au cœur de la crise un appel politique à la désobéissance. Lui va plus loin : et invite à l'insurrection pure et simple, à la révolution, en constatant, dit-il, que le capitalisme est un système qui a échoué, qu'il faut le détruire totalement et tout reconstruire, autrement. Et de montrer l'exemple, en conclusion du film, en débarquant devant la Bourse de Wall Street à la façon d'un shérif, un sac en plastique à la main et un parlophone à la bouche : « Je viens chercher l'argent que vous avez volé au peuple américain. Allez, vous allez gentiment rendre l'argent, le placer dans ce sac et tout va très bien se passer. » Incompréhension des vigiles, perdus. Moore est repoussé. Mais revient plus tard, en ceinturant le quartier des affaires du célèbre ruban jaune, sur lequel on peut lire : « Scènes de crime. Ne pas franchir. » Le film s'achève dans une profession de foi presque lyrique, tandis que défilent des images des gueux de la Nouvelle-Orléans dépouillés par Katrina - ceux-là n'ont pas eu droit à un plan de sauvetage.

Dans un esprit que n'eut certainement pas renié le Frank Capra de Vous ne l'emporterez pas avec vous, Moore en appelle pour finir à l'héritage de Roosevelt. Et conclut, faussement humble : « voilà, le film est terminé. Je ne me fais pas trop d'illusions. Il ne pourra pas grand-chose. Vous allez rentre chez vous et la vie va reprendre. A moins que... A moins que vous vous, en sortant de la salle décidez de vous joindre à l'insurrection. » Générique... ponctué par l'Internationale.


Source: www.lesoir.be

Seconde Guerre mondiale : recueillement en Pologne sur fond de polémique




es dirigeants d'une vingtaine de pays ont commémoré, mardi 1er septembre, le 70e anniversaire de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie, qui a marqué le début de la Seconde Guerre mondiale, sur fond de polémique sur le rôle de l'Union soviétique dans cette guerre. Une première cérémonie du souvenir a réuni les dirigeants polonais, diplomates et anciens combattants à 4 h 45 locales, heure précise à laquelle furent tirés il y a soixante-dix ans les premiers coups de canon de la Seconde Guerre mondiale, à Westerplatte, près de Gdansk.

"Nous sommes là pour rappeler qui dans cette guerre fut l'agresseur et qui fut la victime, car sans une mémoire honnête, ni l'Europe, ni la Pologne, ni le monde ne vivront jamais en sécurité", a déclaré le premier ministre polonais Donald Tusk. Parmi les dirigeants qui se sont recueillis ensemble dans l'après-midi au pied du monument aux victimes de Westerplatte figurent la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre russe Vladimir Poutine, les premiers ministres français François Fillon, italien Silvio Berlusconi et suédois Fredrik Reinfeldt, aussi président en exercice de l'Union européenne.

Les rancœurs et interprétations divergentes de la Seconde Guerre mondiale entre Varsovie et Moscou ont laissé planer une ombre sur ces cérémonies. Le premier ministre polonais a rencontré mardi dans la matinée son homologue russe dont les déclarations étaient très attendues en Pologne après la publication ces derniers mois en Russie d'articles et d'un film justifiant le pacte germano-soviétique Molotov-Ribbentrop d'août 1939, qui a conduit au partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS. Après cette rencontre, M. Poutine a une nouvelle fois rejeté les critiques qui rendent ce pacte responsable du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

"RUSSES ET POLONAIS SE SONT BATTUS CONTRE UN ENNEMI COMMUN"

"Nous voyons des tentatives persistantes de suggérer que le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale a été rendu possible exclusivement par le pacte Molotov-Ribbentrop", a déclaré M. Poutine lors d'une conférence de presse conjointe avec M. Tusk. Selon M. Poutine, "tout ce qui a conduit à la tragédie du 1er septembre 1939 doit être étudié pour que cela ne se répète plus jamais". Le pacte germano-soviétique "fut le dernier d'une série de documents, alors que tout le monde avait commis des erreurs", a-t-il dit. Il a cité plusieurs accords antérieurs ayant permis, selon lui, le conflit, dont le traité de Munich. Il a aussi rappelé la participation de la Pologne au dépeçage de la Tchécoslovaquie en 1938, et un pacte de non-agression polono-allemand de 1934.

Le premier ministre russe s'est en même temps montré conciliant, soulignant que "Russes et Polonais s'étaient battus contre un ennemi commun pendant la guerre" et que les Russes "avaient considéré les Polonais comme des frères d'arme". M. Tusk a déclaré, quant à lui, que les Polonais ne voulaient "utiliser contre quiconque" le souvenir de la double invasion allemande et soviétique de son pays en septembre 1939. "Seule la recherche de la vérité peut nous permettre de bâtir la confiance", a-t-il encore déclaré.

Selon le premier ministre polonais, "deux totalitarismes avaient décidé du sort de cette guerre, d'abord en alliés, ensuite en ennemis". Des sujets d'irritation persistent aussi avec l'Allemagne. Avant son départ pour Gdansk, Mme Merkel a souligné que l'Allemagne avait "causé des souffrances incommensurables dans le monde" mais a aussi qualifié d'"injustice" l'expulsion des Allemands de Pologne après la défaite nazie. Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale reste particulièrement vivant en Pologne. Entre 5,6 et 5,8 millions de citoyens polonais, dont quelque 3 millions de juifs, ont trouvé la mort durant ce conflit, selon les calculs récents.