Comment fonctionne la liste noire des compagnies aériennes ?

u-delà du manque de fiabilité de la compagnie Yemenia Airways, l'accident de l'Airbus A310 reliant Sanaa à Moroni, dans la nuit du lundi 29 au mardi 30 juin au large des Comores, a indirectement relancé un autre débat : la portée effective de la liste noire instaurée en 2006 dans le domaine aérien. Le commissaire européen aux transports, Antonio Tajani, s'est d'ailleurs personnellement invité dans ce débat, appelant de ses vœux la création d'une liste noire mondiale sur le modèle de celle existant déjà en Europe. Voici quelques clés pour mieux comprendre ce que recouvre le concept de liste noire et ses implications concrètes.
  • Qu'est-ce qu'une liste noire ?

La liste noire des transporteurs aériens est dressée à l'initiative de la Commission européenne, avec le concours de tous les Etats membres de l'UE et de l'Agence européenne de la sécurité aérienne, qui sont tenus de partager toute information susceptible de présenter un intérêt. Une fois acté, le placement sur cette liste entraîne l'interdiction d'exploitation : les appareils de ces compagnies ne peuvent ni décoller, ni atterrir en Europe.

Cependant, comme le rappelle le porte-parole d'Antonio Tajani, Fabio Pirotta, l'objectif n'est pas de sanctionner à l'envi. "La liste noire se veut un outil de protection des passagers. Elle a d'abord un caractère préventif et dissuasif vis-à-vis des compagnies aériennes, notamment sur le plan économique. Quand des problèmes se posent, nous prenons contact avec les compagnies aériennes afin de leur donner en amont une chance de les résoudre", explique-t-il.

  • Quels sont les critères susceptibles d'entraîner le placement sur liste noire ?

Plusieurs critères, "objectifs et transparents", sont susceptibles d'entraîner le placement d'une compagnie aérienne sur liste noire. "Il peut s'agir de problèmes techniques constatés sur certains aéronefs lors d'audits d'inspection, mais aussi de mauvaise gestion de la part d'une compagnie aérienne, c'est-à-dire de son incapacité, ou réticence, à résoudre les manquements constatés", précise Fabio Pirotta. Ces manquements sont définis par le règlement 2111/2005/CE, entré en vigueur en janvier 2006.

Concrètement, cela peut être lié à l'utilisation d'avions mal entretenus, vétustes ou dépassés. Dans tous les cas, ces critères sont basés sur des normes internationales de sécurité aérienne – telles qu'exposées dans la convention de Chicago de 1944 – et demandent des preuves documentées, mesurables et vérifiables. Les mêmes règles s'appliquent à tous les transporteurs aériens, indépendamment de leur nationalité et de leur établissement au sein ou hors de l'UE.

  • Avec quelle fréquence la liste noire est-elle mise à jour ?

La liste noire peut être actualisée à partir du moment où la Commission le juge nécessaire ou à la demande d'un Etat membre de l'UE. En l'absence de sollicitation, un réexamen automatique est effectué tous les trois mois, pour déterminer s'il convient de procéder à des réaménagements. La décision d'interdiction est le fruit d'une évaluation attentive au cas par cas, qui doit respecter les droits de la défense des transporteurs aériens concernés : droit de soumettre des documents qu'ils jugent appropriés pour leur défense ou d'effectuer des présentations écrites ou orales devant le Comité de la sécurité aérienne et la Commission. Elle ne peut être prise sans des consultations approfondies avec l'autorité de surveillance de la compagnie visée et avec le comité d'experts de la sécurité aérienne.

  • La compagnie Yemenia Airways va-t-elle être placée sur liste noire ?
"Il est encore trop tôt pour le dire", souligne Fabio Pirotta, prudent sur cette question. "Nous allons avoir des discussions avec Yemenia Airways pour savoir ce qui s'est passé, mais, en tout état de cause, le fait qu'il y ait accident n'implique pas automatiquement le placement d'une compagnie sur liste noire", tempère-t-il, tout en reconnaissant que, dans le cas présent, "des préoccupations [au sujet de Yemenia Airways] ont été exprimées dès 2007".

Aymeric Janier, avec AFP

La liste noire compte environ 200 compagnies
A ce jour, près de 200 compagnies aériennes issues d'une vingtaine de pays, majoritairement africains, figurent sur la liste noire des transporteurs interdits de vol dans l'Union européenne. Elle devrait être actualisée "dans les prochaines semaines", a annoncé mardi 30 juin le commissaire européen aux transports, Antonio Tajani. Ce dernier a précisé qu'un effort particulier porterait sur "les opérateurs des pays tiers (pays hors UE)".